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19 février 2007

Monologue d'Hermione (Andromaque)

Andromaque est l'une de mes pièces raciniennes préférées. Je ne sais lesquels des états d'âme du personnage éponyme et de ceux d'Hermione sont les plus intéressants et les plus dramatiques. Une chose est sûre : cette pièce est magnifique et je ne me lasse pas de la lire.

Voici un extrait, le monologue d'Hermione au moment où elle vient de condamner Pyrrhus - l'homme qu'elle aime sans retour - à la mort.

Acte V, scène 1.

Hermione.

Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ?

Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ?

Errante, et sans dessein, je cours dans ce palais.

Ah ! ne puis-je savoir si j’aime ou si je hais ?

Le cruel ! de quel oeil il m’a congédiée :

Sans pitié, sans douleur au moins étudiée !

L’ai-je vu s’attendrir, se troubler un moment ?

En ai-je pu tirer un seul gémissement ?

Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes,

Semblait-il seulement qu’il eût part à mes larmes ?

Et je le plains encore ! Et, pour comble d’ennui,

Mon coeur, mon lâche coeur s’intéresse pour lui !

Je tremble au seul penser du coup qui le menace !

Et, prête à me venger, je lui fais déjà grâce !

Non, ne révoquons point l’arrêt de mon courroux :

Qu’il périsse ! aussi bien il ne vit plus pour nous.

Le perfide triomphe et se rit de ma rage :

Il pense voir en pleurs dissiper cet orage :

Il croit que, toujours faible, et d’un coeur incertain,

Je parerai d’un bras les coups de l’autre main.

Il juge encor de moi par mes bontés passées.

Triomphant dans le temple, il ne s’informe pas

Si l’on souhaite ailleurs sa vie ou son trépas.

Il me laisse, l’ingrat, cet embarras funeste.

Non, non, encore un coup, laissons agir Oreste.

Qu’il meure, puisque enfin il a dû le prévoir,

Et puisqu’il m’a forcée enfin à le vouloir...

À le vouloir ? Eh quoi ! c’est donc moi qui l’ordonne ?

Sa mort sera l’effet de l’amour d’Hermione ?

Ce prince, dont mon coeur se faisait autrefois

Avec tant de plaisir redire les exploits,

À qui même en secret je m’étais destinée

Avant qu’on eût conclu ce fatal hyménée ;

Je n’ai donc traversé tant de mers, tant d’États,

Que pour venir si loin préparer son trépas,

L’assassiner, le perdre ? Ah ! devant qu’il expire...

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